Le fonds primitif de la langue française, antérieur aux premiers témoignages écrits, est issu, par une évolution ininterrompue de la prononciation, du latin populaire parlée en Gaule à la fin de l’Empire Romain.
Le fonds gaulois est certes plus ancien, mais il est très pauvre et se réduit à quelques dizaines de termes (charrue, chêne, glaner, sillon…).
La pénétration germanique, commencée au IIIe siècle par l’immigration de mercenaires militaires et de travailleurs ruraux, s’accélère avec les Invasions et s’intensifie avec l’installation des Francs, qui, avant d’adopter la langue des vaincus (la fusion définitive ne date que du Xe s.), ont donné aux divers parlers romans de l’ancienne Gaule de nombreux termes relatifs à la guerre et aux institutions (franc, guerre, honte, riche…).
À ces éléments de base du vocabulaire sont venus s’ajouter, au cours des siècles, des apports dont l’origine géographique et la richesse varient selon les circonstances historiques : le plus important est l’apport des emprunts au latin qui n’a pas cessé d’être productif, depuis l’époque (IXe s.) où la langue vulgaire a commencé a s’enrichir de termes directement puisés à la langue des clercs, et notamment au latin ecclésiastique, puis au latin scolastique et scientifique du Moyen Âge. Ainsi se sont formés les lexiques abstraits, indispensables aux sciences et aux techniques modernes, peu abondants dans le fonds primitif, qui ne constituait à l’origine qu’un langage de paysans et d’artisans. Dans de nombreux cas, le mot d’emprunt, qui reproduit la forme latine, double un mot primitif de même origine, mais dont l’évolution phonétique masque l’étymologie. Ces doublets étymologiques n’ont pas la même valeur sémantique : hôtel/hôpital, écouter/ausculter, parole/parabole, raide/rigide, frêle/fragile, entier/intègre…
Ce mouvement d’emprunts au latin s’accrut, dans la première moitié du XVI e s., d’un mouvement parallèle d’emprunts au grec. À partir du XVI e s., sous l’influence du progrès scientifiques et du développement de l’humanisme érudit, le grec, langue de médecins aussi bien que de philosophes et de poètes, a fourni un grand nombre de mots nouveaux (phrase, thèse, mythe, économe, politique…), souvent dérivés ou composés, qui se sont d’autant mieux intégrés à la langue qu’ils avaient souvent subi une transposition latine avant d’être francisés.
Dès avant le XII e s., les relations commerciales instaurés entre les ports de la Provence et du Languedoc, d’une part, l’Afrique du Nord et le Proche-Orient, d’autre part, avaient fait pénétrer dans les parlers d’oc, puis, partiellement, dans les parlers d’oïl, des mots orientaux, arabes ou byzantins. Le phénomène s’est accru au temps des Croisades. L’italien a pu jouer également un rôle d’intermédiaire; de même le latin scientifique, en raison de l’avancement des mathématiques et de la médicine dans le monde arabe. Ainsi nous sont parvenus des mots d’usage constant, tels que chiffre, zéro, amiral, alchimie, algèbre, etc.
Le vocabulaire français compte également une grande quantité de termes issus des langues étrangères modernes, au gré des influences économiques et culturelles qui se sont exercées de manière prépondérante sur la communauté française. L’italien a fourni de nombreux mots aux lexiques de la guerre (attaquer, brigade, canon, citadelle, etc.), de la vie mondaine (cortège, courtisan, page), du commerce (banque, crédit, faillite) et de l’art (fresque, pittoresque, concerto, ténor, etc.).
L’espagnol, dont l’influence se manifeste au début du XVII e s., est apporté tant par les mercenaires espagnols que par les engouements de la mode. Il a laissé lui aussi des termes militaires et littéraires (adjudant, camarade, romance, etc.). Il a servi, comme le portugais, d’intermédiaire entre les langues indigènes d’Amérique et d’Afrique et le français, quand les produits exotiques importés ont fait leur apparition en Europe (abricot, chocolat, banane, etc.).
L’apport néerlandais, notable pour la constitution du vocabulaire maritime, où il complétait celui des Normands, diminue au XVII e s., remplacé dans ce rôle par l’anglais. Celui-ci a eu une influence plus tardive ; mais, dans le courant du XVIII e s., le prestige que lui conférait son régime politique auprès des philosophes, et son hégémonie commerciale sur les mers ont développé un courant accentué par les traductions, et dont l’ampleur ne cessera pas. Il atteindra larges secteurs du vocabulaire politique (budget, parlementaire, comité, etc.), technique (car, rail, tunnel, etc.), sportif (record, football, etc.), alimentaire (bifteck, rosbif, grog, etc.), mondain (bar, raout, etc.). L’influence américaine est venue amplifier ce mouvement à la fin de la Seconde Guerre mondiale, et certaines techniques et sciences nouvelles (cinéma, pétrole, cybernétique, linguistique, etc.) comportent un nombre croissant d’anglicismes.
Il ne faut pas oublier enfin les influences et les apports des parlers régionaux dans le français commun ni les emprunts aux langues comme le breton ou le provençal.
Tous ces mots d’emprunt ont adapté leur phonétique, leur structure morphologique et même leur sens au système du français.
Adapté de l’introduction à Nouveau Dictionnaire Étymologique et Historique, A. Dauzat et altri, Paris 1971, p. VI-VIII
QUESTIONS À PROPOS DU DOCUMENT 1
1. De quoi parle ce texte ? Faites un résumé en trois ou quatre lignes.
2. D’où est-ce que la langue française procède ?
3. Quelles sont les langues qui ont le plus influencé le français ?